Édition – Novembre 2010
Alexandra se tortille sur la table. N´en pouvant plus, elle me supplie d´aller au petit coin. Je sors donc de la salle pour la laisser enfiler le peignoir, je n´ai pas le temps de refermer la porte qu´elle me double en courant à petits pas vers les toilettes. Aussitôt de retour, je complète le massage de son cou.
Ben dis donc, me dit Alexandra ! J´ai cru que j´allais me vider la panse à la retourner comme un vieux bas fané. J´avais oublié de vous dire pour mon cou, mais vous avez malgré tout repéré mes tensions. Y-a-t-il un lien entre le déblocage inopiné de mes intestins et le pétrissage de la nuque, ou est-ce seulement une coïncidence? – Dès le début du massage, les raideurs du cou m´indiquaient un déséquilibre. Comme vous avez un cou mince et allongé, et que les tensions se situaient plus à gauche, je soupçonnais une faiblesse au poumon gauche et au viscère complémentaire qu´est le gros intestin. La jambe droite plus longue me confirmait les tensions du côté gauche. Il fallait donc, considérer l´ensemble de votre condition et rétablir la communication entre les systèmes organiques.
– Si je me fais un massage du cou, est-ce que je peux m´attendre au même résultat?
– Non Alexandra, puisque c´est le massage du corps entier qui engendre le relâchement. Reste que l´action de détendre le cou dispose à percevoir et désamorcer les autres tensions du corps. Il est important de commencer par de légères pressions dirigées vers le haut, au centre de la nuque. En entrelaçant vos doigts derrière la nuque, pressez avec la paume de vos mains, puis frictionnez avec les doigts la base du cou jusqu´aux oreilles.
– Est-ce que je peux faire des pincements comme vous m´avez fait?
– Vous ne pouvez faire ces pincements que sur une personne allongée, dont les muscles du cou sont décontractés. L´automassage a ses limites puisqu´il sollicite la contraction des muscles de vos bras et de vos épaules. Alors que s´abandonner à un massage permet au masseur d´arriver à détendre l´ensemble de la structure du corps pour permettre la décongestion des systèmes organiques.
– Pourtant, je me sentais détendue avant que vous en arriviez au cou !
– Cette détente devait être superficielle puisqu´étant allongée sur le dos, l´arrière de votre tête appuyée, votre mâchoire demeurait fermée, signe de la présence de tensions. Vous savez Alexandra, tous les courants énergétiques passent par le cou et cette partie du corps est délicate. Pourtant, elle soutient la partie la plus lourde, la tête. Imaginez seulement cette scène cocasse où quelqu´un s´assoupit. La tête tombe et de drôles de réflexes nerveux cherchent à compenser l´indolence du système musculaire. Le poids de la tête demande un travail constant de la musculature, c´est-à-dire qu´à chaque mouvement de tout le corps, les vertèbres du cou sont réquisitionnées. Un mal de genou, par exemple, impose au corps un réalignement continuel lorsqu´il est en position verticale. Le bassin, les vertèbres lombaires et les côtes s´ajustent. Si on exagérait le déplacement, il se comparerait à un équilibriste cherchant le meilleur alignement possible en portant une longue pile d´assiettes. Les subtils mouvements vers l´avant puis vers l´arrière, d´un côté puis de l´autre se répercutent au cou et exercent des pressions qui interagissent sur la circulation des fluides. Si la colonne vertébrale est plus ou moins tonic, l´alignement des vertèbres est défaillant. Les circulations, sanguine et lymphatique vers la tête, sont contrariées et la déglutition exige un effort. – Pouvez-vous me tirer la langue? Alexandra me regarde tout étonnée, se demandant si je plaisante. Sa langue a tendance à s´allonger vers la gauche. Des raideurs subsistent donc du même côté.
-Dois-je revenir masseur?
Le corps gère très bien ces problèmes. C’est quand il y a anomalies simultanées qu’il y a résistances. Prenons comme exemple, une faible amplitude du système nerveux, un muscle fatigué et une congestion locale du système lymphatique. La main discerne les impasses où se superposent les déficiences de systèmes, établit le trajet et le carrefour et repère les signaux de l´organe en détresse. La stimulation tactile remonte les parcours encombrés. Les neurones de l’organe stimulé disposent ainsi des stimuli pour établir le meilleur confort en harmonie avec les systèmes correspondants. C´est le corps qui fait ce patient travail. Je ne fais que vous aider à vous détendre, à vous libérer.
Alexandra tient son ventre au chaud avec ses mains et son sourire en dit long : – J´ai surtout apprécié la libération de mes intestins, me dit-elle. J´ai la sensation de flotter, comme vous semblez flotter, vous aussi, dans le massage jusqu´au cou.
Auteur :
Pierre Buron
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