Édition – Septembre 2009
L´être humain cherche une façon d´entretenir sa condition de santé pour mieux jouir de la vie. L´état d´anxiété excessive à propos de maladies prétendues aléatoires, facilite le marchandage de produits surnaturels avec ses promesses de solutions rapides. L´utilisation de potions ou d´appareils magiques génère des tensions qui compliquent le fonctionnement de l´organisme. Le traitement par la détente paraît trop simple pour plusieurs et on lui préfère souvent une promesse de guérison miraculeuse. Ce qu´il y a de singulier, c´est que les fournisseurs de miracles universels traitent tous les êtres vivants de la même façon, les gorilles comme les perruches.
Les gorilles veulent avoir une force prodigieuse et les perruches veulent voltiger de charme. Pour atteindre leur but, ont-ils conscience de leur réelle capacité et de leur limite? Pour une qui prend son auto pour se rendre à son tapis roulant pour marcher, l´autre quitte rapidement le tintamarre de l´usine pour pédaler sur son vélo stationnaire, pendant qu´il s´achève les tympans avec son baladeur! Cherche-t-on à tromper le mal par un autre mal? Certains gorilles, attifés pour le Tour de France, vont courir sur la piste de randonnée avec le plus grand sérieux du monde, sans sourire évidemment, puisqu´il n´y a pas d´amusement! En l´absence de sensations agréables, les muscles sont mal hydratés et mal alimentés parce que les systèmes nerveux et lymphatiques profonds sont contrariés et tendus. C´est-à-dire que les combustibles circulent difficilement dans l´effort. L´organisme ne sait plus jouir de la vie, sans peine. L´allure du bon vivant y est, mais pas le fond. De la même manière, la perruche picore deux trois graines, se regarde dans le miroir, se retrouve le bec à l´eau et recommence? Go! Go! Go! Il faut déplacer de l´air pour que le plumage demeure éclatant.
Pouvons-nous être aussi désemparés, pour croire que l´animal que nous sommes doit se soumettre à un régime pour mériter son bonheur. Ben alors! En qui croire? À qui crier? À cric, crac, croc? Le gorille rugit en se frappant la poitrine et la perruche piaille d´interminables prescriptions en battant ses ailes versicolores. Leur espérance de vie risque-t-elle de s´améliorer pour autant? La mise en application d´une telle logique en dit long sur les dévots de la performance. Ceux-ci ne sont pourtant pas des modèles d´équilibre. Les faussaires de la forme physique contournent souvent les principes de la santé durable et ne connaissent pas la vraie détente. Pour eux, le repos c´est souffrir encore, de l´inactivité.
Le dépassement de soi ou la performance
Allongé sur une table de massage, il est impossible d´accomplir une performance spectaculaire. Pourtant, vous êtes bel et bien sur la voie du dépassement de soi. Tout vise à favoriser la prise de conscience de son corps, des tensions qui s´y logent et ses conséquences comportementales. N´est-ce pas par le corps que la libération des tensions se produit et non par choix philosophique. Quand on cherche à éliminer des symptômes par un remède, il s´agit souvent d´une astuce qui découle du surmenage cérébral et ne fait qu´empirer les choses. Il est indispensable d´écouter nos sens. Quand on ressent une douleur, le corps manifeste le besoin d´un changement, comme augmenter les périodes de repos ou diminuer la consommation de certaine nourriture. L´individu qui a cultivé cette sensibilité, sait que son corps se rétablit de lui- même, continuellement, mais patiemment. Quand le signal du malaise s´estompe, c´est que le processus a abouti.
Si un organe de madame Perruche est perturbé, elle a bien des chances d´être agitée. Son impatience pourrait la mener à l´automutilation. Si monsieur Gorille ne pense qu´à gonfler ses muscles, il gagne en épaisseur, mais perd en confort. Les pectoraux cuirassés compriment la respiration, et le ventre plat indique l´absence de décontraction et l´existence de la constipation. Pourtant, dans la vraie vie, il est tranquille, l´authentique gorille. Il vagabonde nonchalamment pour se nourrir, car ces grosses canines ne lui servent pas à faire des sourires forcés, mais à mâchouiller ses fruits et sa verdure.
Quand l´individu, comme l´animal, fait de l´esbroufe, c´est qu´il se sent menacé et en position de faiblesse. Le masseur observera les signaux dont le massé ne peut tenir compte ou ne veut pas tenir compte. Le gorille a beau souhaiter se faire bêcher les muscles, le massage n´est pas fait pour ça. L´autoguérison est inaccessible en mutilant ou en esthétisant. Si la perruche ne veut pas se faire décoiffer, ni démaquiller, elle n´est pas à la bonne table. La détente passe par la patience.
Le mystère de la patience
Accepter un massage c´est s´abandonner pour accéder à ses sensations profondes. C´est le respect de soi, sans chercher à répondre à une image. Le dépassement de soi n´appartient pas à la performance, il appartient à la patience. Si je suis vivant, c´est qu´il y a une force vitale en moi. J´observe, je développe mon attention et me nourris de ce qui m´entoure, de ce qui fait plaisir à mes sens. J´assimile sans effort. Pour le gorille, fondamentalement pacifique, et la perruche foncièrement joviale, le désir d´être meilleur que l´autre n´existe pas. Je m´améliore parce que je suis conscient d´évoluer, ainsi je m´apprécie, je m´aime et ensuite… je partage cet amour avec autrui.
L´ego de l´animal raisonnable est sujet à des désirs et des aspirations inappropriés qui l´entraînent à l´épuisement. Jogge-t-il pour châtier son épaisseur ou pour jouir de ses sens? Ne se bourre-t-il pas de vitamines parce qu´il mange mal. Et quand son foie est en feu, il n´en cherche pas la cause, mais s´ingénie à trouver un extincteur chimique. L´humain est doué pour simuler le bien-être, mais son esprit est confus en l´absence de cette qualité qui nous fait si bien apprendre : le calme.
Ne pas se laisser happer par le rythme effréné du quotidien en prenant le temps de recevoir un massage est devenu aujourd´hui un exploit. Chacun est différent et vit selon une organisation qui lui est propre. Le gorille gère son rapport avec son environnement différemment de celui de la perruche. Pour peu qu´il existerait un protocole, il établirait une règle essentielle, c´est d´être en accord avec sa nature, la manière de vivre la plus simple.
Si la bête à penser, s´en remet à son ego pour l´orientation du cours de sa vie, elle s´inquiétera du passé et de l´avenir, dans un présent inexistant. Il est urgent d´ajouter au dictionnaire, une autre définition du mot PERFORMER : Capacité à contourner l´essentiel pour atteindre un succès vide de sens. Et par la suite, car il y a une suite, la bête ira s´asseoir chez son vétérinaire pour bavarder des effets insidieux de certaines influences plutôt que de plonger sur une table de massage et nager dans le bonheur.
Auteur :
Pierre Buron
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