Édition – Février 2007
Je viens d’établir un record mondial de huit minutes et dix secondes consécutives, en massant mon petit-fils de cinq ans, Samuel. Vous savez comment je m’y suis pris? En lui disant toutes les trente secondes, Ok, c’est fini. « Non, non, encore me réclame-t- il. Comment ça s’appelle ce que tu touches? » – L’omoplate. « Et si tu ne pèses pas dessus, l’omoplate est-elle ronde? » – Non, elle reste plate!
Avant, c’était lui qui m’interrompait à tout bout de champs pour porter son attention ailleurs. C’est vrai que plus souvent qu’autrement, ma table sert de bateau de pirates et de soucoupe volante pour mes petits-fils. Mes enfants déjà, s’en faisaient une cabane ou un sous-marin. Mais il y a toujours eu une règle pour avoir le droit d’utiliser ma table, un petit massage pour entretenir les aptitudes à la détente. H é oui! La meilleure façon de favoriser l’expression de sa sensibilité, c’est d’abord et avant tout, avec ses sens. Quelle opportunité de se rapprocher de soi- même dès les premières années d’apprentissage. De sentir et ressentir, de connaître l’immensité de son univers.
Il faut comprendre qu’au-delà de la bonne volonté et de s bonnes paroles, trop souvent l’attitude de notre société prescrit l’interdiction de se toucher, de permettre de s’attarder à son corps. Nous avons culturellement tendance à associer le plaisir de jouer, avec un jouet, un article de sport, ou un objet usuel pour démontrer son adresse. Dès le plus jeune âge, ce sont des raisons culturelles qui mènent au surmenage et à l’épuisement. En cherchant des ressources extérieures pour occuper son corps, ou son esprit, alors que la considération de nos propres ressources nous permet d’entretenir sa force créatrice et la confiance en soi. Oui, le jeune enfant mesure sa sensitivité et le langage de son corps et découvre ou confirme les liens entre ses tensions, ses peines et ses joies, sa détente et son mieux-être. Le massage ici, n’est qu’un jeu qui permet par des gestes tactiles et ses répercussions, une meilleure maturation du système nerveux et contribue subtilement au développement physique, affectif et intellectuel.
Chaque seconde de silence permet aux neurones de Samuel, de faire pétiller son imaginaire. « C’est une bonne idée de mettre sa tête dans un trou, comme ça, Pinocchio et Spiderman peuvent se faire masser » me dit-il. Pinocchio ou Donald Duck, je comprends, mais pourquoi Spiderman? « Parce que, quand il a de la misère à respirer, il a des fils d’araignée qui le collent partout. » C’est vrai qu’avec un bon massage il se calmerait le gros nerf. « Est-ce que c’est le gros nerf qui fait des fils d’araignée ? » À bien y penser, je crois qu’un gros nerf tendu doit produire des fils d’araignée dans le cerveau. Si bien qu’en massant sa tête, ça le soulagerait. -« Oui, mais si tu masses tout son corps, qu’est-ce que ça fait? » Ça lui donnerait plein d’énergie, comme s’il était plein de vitamines! – « C’est ce que tu m’as dit tantôt, quand tu m’as servi de la crème glacée. » Oui mon petit-fiston, le massage va te rendre fort et en bonne santé. – « Oui mais moi grand- papa j’aime mieux la crème glacée ! »
Auteur :
Pierre Buron
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