Édition – Septembre 2006
Micheline m’avait dit :” Viens passer une semaine à la ferme cet été, ça va te changer de tes massages. Et puis, on va pouvoir profiter de nos mains habiles au moins une couple de fois.” Ma vieille amie et ex- collègue massothérapeute a pris mari et est devenue fermière, il y a neuf ans. Son mari élève des porcs. Ils ont deux garçons espiègles qui bougent tout le temps, comme leur père. George a plutôt l’air d’un professeur d’économie, l’oeil globuleux, se frottant les mains constamment comme si on allait dépecer un rôti dodu.
“Ma femme me dit que vous faites disparaître le stress d’un simple effleurement ?” Là-dessus, il avale sa salive comme un gros crapaud. “Quel drôle de travail quand même, détendre un corps humain ! Et vous, vous l’apprêtez comment, une fois attendri, hi, hi ? Il paraît qu’à Kobé, les éleveurs massent leurs boeufs quotidiennement, ce qui en fait les biftecks les plus tendres au monde !” La porte s’ouvre et Yannick et Théo entrent en coup de vent dans le salon. ” Papa ! Maman est en train de monter la table de massage dans le sous-sol !”
Massage cochon
George semble avoir trouvé le moyen de rentabiliser les talents de sa “tendre” moitié. “J’avoue, dit-il, que c’est bien pratique pour mes truies. Il y a deux trucs importants pour la reproduction : le réchauffement des semences et le massage du dos durant l’insémination . Cela diminue le stress au niveau de l’utérus de la truie, ce qui favorise l’expression des contractions utérines responsables de l’aspiration de la semence. Comprends-tu que ça a un effet bénéfique sur la taille de la portée.”
Micheline entre à son tour et m’annonce que tout est en place dans le sous-sol. Là- dessus, je me lève promptement, moins pour répondre à son invitation que pour échapper à l’exposé sur le massage des glandes mammaires qui engendre le mécanisme neuroendocrinien d’éjection du lait. Heureusement Yannick me sauve de cette étrange sensation de m’allonger le bacon. “Non c’est à mon tour de me faire masser”, crie-t-il. Et Théo y allant d’une réplique savoureuse. “Moi je veux me faire masser les orteils, mais je ne veux pas mettre ma tête dans l’affaire”, montrant l’appuie-tête. “Ça me fait penser quand je vomais mes bonbons de Noël dans le valabo.”
Instinct bestial
Rassure-moi Micheline, George apprécie-t-il tes massages ? Elle s’esclaffe en me disant :”Il te fait marcher un peu, je lui ai tellement parlé de ta technique qu’il en connaît tous les détails, et pour une raison bien simple, il est musher.” -Qu’est-ce que ça mange en hiver, un musher ? “Justement, il s’agit bien de l’hiver, c’est un maître de traîneaux à chiens. Il masse ses chiens, pour les préparer à une longue randonnée, pour les détendre après une longue course, pour les lombalgies causées par les harnais ou la mauvaise position du chien dans l’attelage. Pressions, pétrissages, ballottements, frictions, caresses…Ces chiens l’adorent et l’amèneraient au bout du monde. Comme je faisais avec mon cheval, tu te rappelles ? Particulièrement avant les compétitions, vingt minutes par jour, vibrations, étirements, effleurements…tout ce qui pouvait le décontracter et le tonifier. Je le fais encore pour échanger, pour communiquer avec la bête. Mais au fait, Pierre, je t’avoue que j’ai monté la table parce que George aimerait bien que tu le masses ! ” Moi, je veux bien, mais un musher préfère-t-il un massage de compétition ou de reproduction ?
Auteur :
Pierre Buron
514-266-6755
massageheza@gmail.com
www.massageheza.com