Aux quatre coins de ce respectable quartier, des phares dissipent les brumes des malaises et des préoccupations. De leurs portes, jaillit la lumière invitante du mieux-être. Il ne reste qu’un bon prétexte pour y entrer. Les travailleurs fourniront de magnifiques excuses de déprime, les cols blancs d’apathie chronique, les cols bleus de surmenage, et les patrons de profond accablement. Pourtant, aucun prétexte n’est nécessaire pour se faire masser, si ce n’est de se permettre une bonne et nourrissante détente. Quelque part, une main clairvoyante vous est destinée.
Si vous êtes passé par Rosemont, vous l’avez sans doute constaté, la massothérapie est une profession omniprésente. Au carrefour de certaines rues, on peut compter plusieurs enseignes de massage. Règle générale, les plus tape-à-l’oeil offrent un service hasardeux. On apprend à reconnaître les vrais par la manière désinvolte avec laquelle sont exposés les indices. Un écriteau modeste à l’entrée, une maquette de table de massage ou une bouteille d’huile et quelques coussinets sur le bord de la fenêtre, une serviette sur le bras de la chaise de balcon etc. Des petits signes qui démontrent que vous êtes au bon endroit et qu’une personne consciencieuse vous y attend.
Pour ce qui est des touche-à-tout qui s’improvisent masseuses, on les décèle tout aussi facilement. Il y a, généralement, une enseigne lumineuse qui louche et se vante d’être " ouvert". Et si cette affiche clinquante vous invite sans rendez-vous, cela veut dire sans les qualités professionnelles qu’on peut espérer d’un vrai massage. La plupart du temps, la vitrine sale est obstruée, pour ne pas voir à l’intérieur, par une liste de services et de prix à n’en plus finir ou quelques planches anatomiques servant d’alibi. Si vous surprenez quelqu’un y entrer, de façon fortuite, soyez assuré qu’il en ressortira, quinze minutes après, d’une façon tout aussi furtive. Seul son portefeuille sera soulagé. Néanmoins, l’existence de ces salons prouve un énorme besoin, celui des grandes carences de tendresse, des compulsions réprimées et des intentions bien naïves de s’évader. Il faut bien être ignorant du vrai massage pour se contenter d’une main profane, qui vous expédie un orgasme comme une carte postale. Le contexte étant dépourvu d’affection sincère, tout le monde y perd. De toutes manières, aux yeux du client, comme aux yeux de son proxénète, la masseuse est la main et la marionnette. La porte se referme sur une grande frustration, un grand désabusement de part et d’autre.
Le réseau Internet pèche par la même ignorance de classer tous ceux qui utilisent le mot « massage » dans le même foutoir. Les réclames inscrites en têtes de liste ont acheté leur priorité à défaut de se distinguer par leur compétence. La plupart du temps, ce sont des entreprises ambitieuses qui doivent faire leur frais en vendant des produits inutiles et en exploitant des employés inconstants. Leur expertise se résume à appâter le néophyte avec un personnel peu rassurant quant à la chaleur humaine que l’on espère d’un massage.
C’est pourquoi, un beau jour, un client ou une cliente se met à analyser ces particularités. Votre flair vous dirige vers un de ces phares. Un coup de téléphone vous permettra de savoir à qui vous avez à faire. Pas d’hôtesse nunuche, pas de prix exorbitants, pas d’aubaines douteuses, pas de soins prétendus exclusifs, vous prenez rendez- vous. Un escalier un peu haut, une porte de travers, un balcon à la peinture défraîchi, sont des détails négligeables. Une affiche en petites lettres dorées ou avec un beau dessin de fleur, qu’importe, cela veut dire " je vous attendais". Et puis voilà, on constate ce besoin immense que l’on avait d’être touché, accueilli, entendu, compris. On ressort avec la tête haute et le grand plaisir d’avoir goûté cette lumière bienfaisante. C’est ainsi qu’une clientèle satisfaite recommande ses amies. C’est ainsi que les passants osent faire le plein de cette précieuse lumière, des phares qui ne s’éteignent jamais.
Auteur :
Pierre Buron
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