Édition – Septembre 2007
Les vacances sont terminées, enfin on va se détendre! Tous les clients ont leurs petites escapades d’été à confesser. Catherine avoue sa grande déception au centre de santé, Gilles me raconte son épuisante expérience à l’ashram, Ana, son supplice thérapeutique dans un spa, et Amina, sa randonnée en montagne qui a tourné en chemin de croix.
Ils ont une certaine manière de parler les gens qui vous racontent la seule randonnée en montagne qu’ils ont faite dans leur vie. Amina est d’origine africaine et son nouvel ami de coeur, est d’origine gaspésienne. Il lui a fait découvrir les monts Chicchocs avec un pique-nique de pause- café, un couteau suisse et une bouteille d’eau de source. « Nous nous sommes bien marrés en montant. Le vent nous poussait dans le dos, » me dit-elle, mais pour descendre je me suis détraqué les genoux. J’ai écorché une centaine d’arbres avec mes ongles. Je suppliais le ciel qu’il pleuve tant que j’avais chaud et soif. Il m’a écouté le sacrament. (On remarque ici l’effet du sirop d’érable ou de la gomme de pin). Je suis revenue chez moi enrhumée, mangée par les bébittes et complètement cassée. Pouvez-vous me rafistoler la colonne vertébrale? S.V.P. »
Traitements des os usés
Ana était à peine arrivée de son escapade santé qu’elle me suppliait d’avoir un rendez-vous le plus tôt possible. Avant le massage, elle me raconte les fleurs, les abeilles, le soleil et puis une petite contrariété comme ça, le foie, je pense. Je me permets ici de synthétiser son propos : « Nous sommes au spa, tout le monde s’amuse, et je commets la maladresse d’aller me faire masser. Une dame nous reçoit tout attentionnée, tout sourire, mais c’est le jésuite avec ses gougounes et son pistolet d’huile qui va me masser! Du coup, l’ambiance de sanatorium se métamorphose en columbarium. J’ai la sensation désagréable qu’il me prend pour une pâte à tarte en roulant de son futile bavardage de pétrissage 101 . Bon, ça y’est, j’ai mal au foie. » C’est qu’elle le connaît son foie paresseux. L’alimentation des derniers jours a changé radicalement trop vite et son organe sécrète difficilement. Comme Catherine, qui, à la moindre intoxication, explose de frustrations. C’est ce qui s’est produit au centre de santé!
« Frustré, me dites-vous, mais je suis fru à la puissance dix. La madame m’a mis des petites roches dans le dos pour enlever mes bobos. Réveille madame, tu confonds l’expression -exploiter ta carrière! Ben non, elle en rajoute : Un bain au chocolat pour vous gâter? Ah ça!…Pour tout gâter, j’en étais convaincu. Même que je doutais être dans le pavillon des mabouls, avec dans un coin, une bécasse qui faisandait dans un costume du bonhomme Michelin pour drainer sa lymphe, dans l’autre une lilliputienne macérait dans une gibelotte minérale enveloppée comme une guidille. Spa comique. Je n’ai pas payé 200 dollars pour qu’on joue au petit Poucet sur ma colonne vertébrale. Vivement mon masseur à moi, mon masseur consacré, mon masseur rituel. Bon, est-ce assez clair!!! »
Solennelles vacances
C’était tellement clair pour Gilles que c’en était éblouissant. Un petit week-end de couple à l’ashram. Gilles me déballe : « J’ai trouvé la lumière », que ma Monique me disait. Ouais ben, c’est important de la trouver à 5 heures du matin quand tu veux aller pisser. La sacrée cloche te dit, grouille ma Vishnouille, si tu veux te faire fumer le saumon au patchouli. Ça braille déjà dans la salle de prière. Le bar à salade est rempli des statuettes des divinités en accoutrements de marionnettes qui se mortifient dans les bouquets gerbant d’encens. On dirait que le radotage dans une langue que personne ne connaît, permet une lobotomie plus complète. Je ne suis pas le seul à cogner des clous. C’est encourageant de voir les maîtres canaries drapés, échapper leur tête entre deux jérémiades. J’ai voulu me revigorer en me réservant une séance de massage. Le local avait l’air d’une cellule avec des livres à colorer sur Krishna, Mowgli et Gandhi. Une couverture et un coussin chiffonnés reposent sur le plancher et une bizarre d’odeur de yogi préhistorique colle aux narines. Bon ça y’est, j’ai encore mal au coeur!
Toujours est-il qu’Ana n’avait vraiment pas l’air dans son assiette. Même que l’assiette de porcelaine tirait sur le jaune, avec une hépatite A. « Je suis certaine que ce sont les crustacés », me dit-elle. « Je voulais mourir tant que j’avais mal au ventre. Je pissais jaune moutarde de Dijon. Et mes petits amis ont tous eu la même chose. L’établissement concerné s’est bien défendu d’être l’initiateur de nos malaises. Nos petites santés prouvant que nous avons besoin de professionnels pour s’occuper de nous sur tous les plans. »
Ne vivons-nous pas une époque où les établissements de santé ont un programme extraordinairement varié d’indice de maladies, ou même la joie de vivre trahit le risque de mourir, de plaisir ? Tout cela relève de l’état d’âme. Il faut cultiver l’habitude de recevoir et avoir du bon temps sans compter. Ne vaut-il pas mieux s’offrir de petites douceurs sur une base régulière? N’attendez plus les solennelles vacances pour décrocher.
Auteur :
Pierre Buron
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