Édition – Mars/Avril 2007
Bruno le serveur, surfe entre les tables avec le gâteau au chocolat criblé de feux de Bengale qui pétillent. Tout le monde s’égosille : « Chère Virginie, c’est à ton tour, de te laisser parler d’amour. » Les dernières syllabes traînent sur les lèvres qui embrassent les coupe de vin. Virginie fait semblant de souffler pour le rituel, mais les étincelles insistent et éclaboussent ses trente ans. Avec bienveillance, Bruno dépose la main sur l’épaule de la jubilée, et de l’autre main lui présente la spatule. Constatant son malaise et ne pouvant retirer sa main brusquement de sa clavicule frémissante, il improvise cette réplique : «Un petit massage avec ça? » Il n’a jamais si bien dit, ses amies lui offraient un forfait de trois massages Heza.
Macha est la plus vieille amie de Virginie. Elle lui remet le cadeau, à titre d’instigatrice du club des adeptes du massage Heza. Elle a repéré ce praticien, il y a quelques saisons, sur le site internet Alternative santé. La famille comme les amis avaient répliqué à son enthousiasme en s’offrant l’expérience. Il n’y a plus que Virginie à dévirginiser. C e sont pourtant les yeux de Nadine qui irradient, quand retentit le mot massage. Est-ce pour cela qu’elle n’est pas partie en boudant comme d’habitude avant le dessert ?
LA CRISE DE LA TRENTAINE EN BÉDAINE
Les convives sont attentives au témoignage de Macha : « Chère Virginie, on ne peut s’empêcher de partager avec toi, le meilleur moyen d’atteindre la plénitude. Comme certaine s d’entre nous, tu pourras dire adieu à tes symptômes insistants du SPM. Tu vas avoir plein de nouveaux amis : ton corps, ton ventre, ton… Nadine, la gaspésienne, interrompe le laïus : « En tou s cas, si cela agit de la même façon pour toi, que pour Macha, tu pourras te flatter la bédaine ma snoroune, tu ne seras plus soupe au lait. » Christine, qui a accouché la saison dernière, en profite pour montrer sa taille retrouvée et prend un ton réjoui : « Grâce au massage mon accouchement a été plus facile que le précédent et ma peau est plus éclatante. » Nadine réplique en taquinant : « T’es rendue aussi téteuse que tes petits. »
Comme ses compagnes, aussitôt servie, Nadine pique sa fourchette dans l’onctueuse douceur. Et les mots glissent dans la salive pétulante. C’est qu’il porte son nom le Gâteau du Diable, garni de confiture d’abricots et de glace au chocolat. Et Nadine en remet : « Vous savez, je goûte à tout maintenant. Parlez-en à mon nouveau chum . ».Virginie s’étouffe avec son verre de vin, si bien qu’elle crachouille dans les lunettes de Simone pendant que les autres s’esclaffent. Élise, au bout de la table, relance Nadine : « S’il y a quelqu’un de métamorphosé par les massages, ici, c’est bien notre libellule devenue guêpe. Toujours la taille fine, mais bourdonnante et impétueuse. » Certaines avaient saisi l’allusion, le regard ému. Il n’y a pas si longtemps Nadine s’adaptait patiemment au langage du toucher et rompait avec les résistances physiques, miroir des résistances morales et émotives.
Dans le chapitre Émotions, les filles en avaient long à échanger. Des louables et des damnables. Escapades et griffades, torture et rupture, extase et métastases. Des soirées cocon aux soirées tampon en passant par les 5 à 7, comme 5 sens et 7 péchés capitaux ! Ô, le pouvoir des sens. Les sens vitaux, comme les grands débats vitaux. L’autonomie matérielle, intellectuelle, constitutionnelle. MA constitution, MON corps, et l’équilibre par le Massage souverain …
Massage d’intérêt public
Ça fait belle lurette que les bruits de la cuisine, casseroles, porte battante et musique BCBG sont ensevelis par la conversation poignante. Peut- on se douter qu’un tel sujet, devenu le menu principal, se répande à toutes les tables? Les oreilles sont longues et les mains s’agitent. «De massage en massage, mes résistances disparaissent,» de dire Simone. « Si bien que je lui ai envoyé un de mes malaises persistants, mon copain Robert avec son hypertension. ». – « Moi, c’est ma soeur jumelle avec ses maux de tête, » de dire Ariane. Et chaque témoignage trouve son écho. Et moi, c’est toi que j’ai persuadé. Tu te rappelles la première fois, la panne d’auto, le retard, pas de portefeuille.- Je me rappelle plutôt les bizarres de questions. Salé ou sucré? Cuit ou cru ? Aveugle ou muette ? L’heure de ta naissance ??? Oui, oui, et après ce premier massage Heza…c’est comme un grand ménage, comme l’explosion d’un barrage, comme une sensation indéfinissable.
Et tout le monde poursuit en parlant en même temps, tout en saisissant les propos de l’autre. – Quand je me sens vedge, je n’attends plus de capoter. Même si je floppe à 30 ans, et je flippe à 31, et je crucifie mon mec à 33. Je commence à vivre, je me mets sur mon 36. – L’une veut un enfant, l’autre en a un à vendre. Fini les régimes ou trop de vitamines. J’en parais 39 ou 49, so what ! Un anniversaire n’attend pas l’autre. De trimer dur sans arrêt, pour mériter le grand âge et bercer ses souvenirs… NON MERCI. Surtout si dans la soixantaine, il n’y a pas le souvenir d’une trentaine accomplie. Je pense à moi. Maintenant. En toute bonne foi, je soigne mon foie et plutôt deux fois qu’une. Massage pour la nième fois, jamais de la même façon ! Mon masseur m’a tout massé !
Du coup, tous les regards se sont tournés vers Élise. « Tout massé, tout tout, explique-toi, sainte bine, » de dire Nadine ? – « Ben oui, sous l’arcade sourcilière, presque derrière l’oeil. Ou en relevant l’omoplate, il va te chercher le poumon. Ou quand il me marche sur les cuisses… » Et le manège est reparti. – Moi, c’est le massage de côté quand il te prend le thorax en sandwich. Non moi ce sont les serviettes chaudes sur les pieds. Moi, c’est le décorticage entre les jointures. Moi c’est le rituel, à la fin, dans notre univers secret. Je sens la musique ? J’entends les odeurs ? Nostalgiques fous rires et joyeuses larmes ? MMMMes sens à mmmoi !
L’affaire EST CHOCOLAT
Virginie dodelinait de la tête manifestant son accord sur tous les commentaires. Nadine lui verse les dernières gouttes de vin. « Est-ce que cela te donne une idée du massage Heza ? » – « Heu, ben ! J’apprécie beaucoup, d’autant plus que je dois vous avouer que j’y suis allée le mois dernier. » – Et zoom, toutes les têtes se sont virées et tous les mentons sont tombés sur la table. « Ben parle mozusse, qu’est-ce que tu veux dire ? T’es contente au moins ?
Un interminable moment de silence aspire les yeux de plus en plus exorbitants. Virginie bouge enfin les lèvres: « C’est fou, comment je suis incapable de m’accorder un petit plaisir sans culpabiliser. Quand je magasine, je dépense trop. Quand je bois, j’ai soif. Quand j’aime, j’allume trop. Quand je fume, je m’éteins. Alors que, quand je me retrouve sur la table de massage, je ne consomme plus. Ma solitude est belle. Cette oasis me permet d’être bien avec moi-même, sans besoins impérieux. Cela fait du bien point final. Ou plutôt point de départ… Pour Mon univers à Moi. Je n’aurais rien souhaité de mieux, comme cadeau ! »
La porte du bistro s’est ouverte, laissant les lamentations d’un camion de vidange s se mélanger à l’hosanna de soulagement. Macha relance la ronde des opinions. « Je comprends mieux ton attitude détendue dans les cours de Yoga ! – Serait- ce que nous nous gâtons ? D’ailleurs, serions- nous en train de nous faire plaisir là ? – Il ne reste même plus une miette de gâteau. – Qu’est ce que c’est que cette déchéance ? Et la volière s’est remise à piailler. Moi je suis cuite. T’as la patate cuite ? Non, la carotte cuite! Qui l’eut crû, je ne constipe plus, vin cuit, lait cru. Tartare moi je m’endors. Cui-cui, les tisanes sont servies. Et puis, finalement les étreintes tardives des amies, qui bouclent les confidences et tracent les tendances. – Chère Virginie, nous te souhaitons du plaisir en masse. Et Virginie de leur répondre : « J’aime masser ça ! »
Auteur :
Pierre Buron
514-266-6755
massageheza@gmail.com
www.massageheza.com