Édition – Décembre 2005
C’est curieux que ce soit dans l’abondance d’une table fastueuse bien arrosée que se prennent les résolutions pour la nouvelle année. Tout le monde y va de ses meilleurs voeux de santé et prospérité. Rien n’est épargné pour que la table soit invitante et abondante. C’est joyeux pour les yeux, ça sent bon, la musique nous fait chanter et…swing la bacaisse ! Voilà pour les autres sens, mais le “toucher”, cette chose qui demande calme et paix, espère plus qu’une éclaboussure de becs et de généreuses étreintes.
Nos sens nous parlent, mais quelquefois ils baragouinent. Et s´il y a un masseur à la table, soyez assuré que tout le monde va faire allusion au besoin tant convoité, enfin, un de ces jours, de recourir à vos services. Pourquoi se priverait-on de ce qui nous fait du bien ? Pourtant, chacun y va de son récit, des traitements hasardeux de vacances ou des fugues en do mineur pour pierres chaudes et huile de noix de coco. La plupart, déçus de ne pas avoir trouvé la sublime détente tant espérée parce que la masseuse était bavarde, le masseur trop brusque ou l’ambiance trop kitsch. Hé oui ! Un massage à la volée, une fois par année, c’est comme un p’tit remontant qui peut rester coincé dans la gorge. Et allons-y pour une petite gigue !
Se payer la traite!
La blague préférée de ma soeur, c’est d’offrir ses meilleurs voeux en disant : ” Je te souhaite de la santé, et puis tiens, voilà l’adresse”. Tante Marie-Anne, elle, ragaillardie par mon massage d’hier, n’en est pas restée là. Elle m’a acheté tout plein de certificats cadeaux et s’amuse à les distribuer en disant :”Dans le temps des fêtes, il faut se brasser le ragoût de boulettes ! ”
Autour de la table, les fêtards sont incrédules, parce que je dis que le choix d’un métier comme celui-là, fait écho à ce besoin intense de communiquer de façon authentique, par le sens du toucher. Avec les années, nos patientes mains digèrent toutes les résistances.
– Ma belle soeur s’amuse à dire : “Tu passes ton temps à table, tu peux bien avoir le temps de digérer tes clients ? Qu’est-ce que tu fais comme genre de massacre, pardon, de massage, je veux dire ? ”
– Mon neveu d’ajouter : “Est-ce que tu fais des massages spéciaux ?”
Et la dinde silencieuse vit son karma, baignant dans son jus, pendant qu’autour de la table, la basse-cour se fait de plus en plus exubérante. Plusieurs parlent des effets d’enfer et puis le reel du diable se met de la partie. Ce sont ceux qui s’étendent le plus, sur le sujet, qui ne passeront jamais à la table, l’autre table.
Attendez! il y a le dessert!
Une fois par année, c’est déjà ça. C’est bien beau, les désirs de paix, de santé et de bonheur, cependant, je crois que cela se concrétise quand ça part de soi. Un massage, malgré toutes les apparentes vertus, n’en reste pas moins lié à notre propre don d’écouter son corps et de ressentir son être entier, dépollué, lucide, et dégustant le plaisir noble de l’harmonie. “Délivrance” disait Gédéon, “restez pas là à cailler”. Ni l’ivresse, ni les festins abondants, ne sont à la source d’une vie heureuse. Votre corps vous le rappellera gentiment le lendemain.
Pourquoi une fois par année, entre Noël et le Jour de l’An ? C’est bien mieux d’en profiter à l’année longue entre le Jour de l’An et Noël !
Je vous souhaite un massage de paix et de prospérité !
Auteur :
Pierre Buron
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