Édition – Septembre 05
S’il vous plaît Simone, je vous interromps, encore. Prenez place sur la table, je vous en prie. Pour qu’enfin le silence confesse toute la vérité. Mais bon sang, comment se fait- il que ce sont mes méninges à moi qui s’affolent ?
Ouf !!! Triple poings d’exclamation. Oui, oui, p.o.i.n.g. comme poing sur la gueule qui parle trop. Il y a parfois des gens qui engraissent leurs maux à la soupe à l’alphabet. Et que je me dévide et que je comble ce vacuum en avalant des “hot dogmes” je spécule, je calcule, j’enc… les mouches. Et que je te triture l’encéphale. Et que je te cuisine les traumatismes à la bugrane et au trisilicate de magnésium. Et que je te bouffe de l’herbe séchée au solstice d’hiver et de la graine de moutarde roussie à la chandelle sacrée de cire d’abeille aseptisée au bicarbonate de plouk. Expirez !
Vous en connaissez, une de ces turbulentes qui se sent en forme dans un moment d’étourderie et qui en profite pour trouver d’autres bébites. Aussitôt que la volonté s’en mêle, la santé de Simone s’abîme. Un sirop pour le subjonctif, une granule pour le verbe. Simone jubile, quand elle découvre une maladie, dans un magazine ou dans un dépliant publicitaire. “Si cette maladie est commune, je l’ai sûrement. Si elle est rare, je l’ai d’autant plus, car moi aussi je le suis.” Et Simone ouvre des parenthèses et fait des traits d’union et en voulez-vous des virgules et des apostrophes ? Mais c’est qu’elle pompe l’air en déblatérant tout azimut son incontrôlable diarrhée verbale. C’est qu’elle en reçoit autant, de cette m… qui éclabousse dans les ventilateurs de ses guérissologues. Fermez donc quelques parenthèses, Simone, qu’on s’y retrouve. À force d’inspirer sans expirer, vous gonflez de lamentations et vous constipez comme un camion de vidange trop plein pour décoincer.
“Ah ! Hum, ho ! Oui, oui, continuez, c’est bon, j’aime ça, encore” que son corps me dit ! Mais Simone résiste à le dire à haute voix. Il y a des choses qu’il ne faut pas dire, quand même ! Pour autant, j’admets que c’est facile de la détendre, Simone est tellement fatiguée de baptiser ses bobos et d’y assigner un éventuel remède. C’est qu’elle est fière la guerrière, de se battre contre ses écorchures. Ce que la vie serait moche sans ces conflits ! Et puis, la santé l’anéantirait !
MÊME QUAND ELLE NE PARLE PAS, ELLE EST BAVARDE.
À vrai dire, est-ce nécessaire de tout dire ? Bon an mal an, le massage passe. J’ai beau m’appliquer à conjuguer mes efforts et ces verbes, est-ce que le message passe ? J’avais bien essayé de souligner prestement à Simone, de fermer tous les guillemets, de jeter les virgules, de fermer les portes, et d’ouvrir la fenêtre et sautez …
“Seigneur !”, s’écrie Simone, ouvrant aussi vite d’autres guillemets, ” Vous n’êtes pas en train de me dire de sauter par la fenêtre ?” -“Mais non, de sauter sur votre matelas, de danser, de ventiler, de lâcher votre fou…”
Simone est-elle encore convaincue, qu’une fois avoir tout dit sur ses poux, qu’elle n’aura plus peur de se taire ??? Saisira-t-elle d’une phrase à l’autre, que c’est le verbe ÊTRE qui a besoin d’AVOIR, et non le verbe AVOIR, qui convoite le SAVOIR des échappatoires. D’écouter… son vrai moi authentique, là, ici, maintenant, dans la sérénité, est-ce un bon point d’interrogation ? Mais non, mais non, puisqu’ils lui ont dit, bon, qu’il faut expulser, qu’il faut s’extérioriser, s’exécuter, s’ex…je ne sais quoi !
JE MASSE DONC JE PARLE.
C’est que je suis masseur, moi, Simone ! À la table, on évite de patiner sur les mots et de glisser sur les maux ! “Arrêtera-t-elle de s’exclamer sur ses démangeaisons de malheur, d’exorciser ses nuits d’horreur, d’examiner ses festins de jeûneur, d’exprimer ses superfétatoires bonheurs ?” C’est que je me suis dit tout à coup : “Ça y est, elle m’a contaminé ! Je suis aussi bavard qu’elle, avec mes mains de velours”. Et je me suis mis à admirer ces ex…machins et ces guillemets. Elle est extraordinaire, cette personne, d’être si différente de moi. Elle est éblouissante avec ses litanies au superlatif infini. Elle est belle avec son sourire d’ange, surprise de baigner dans cette muette béatitude. Car l’énergie a fini par circuler sur ces ex…trémités. Je dirais même, jaillir de partout. Pour autant que “Simone de La Mancha” ne remette son armure de paroles nourrie par autant de moulins à microbes.
Mais Simone n’avait pas dit son dernier mot : “Je ne me suis jamais senti comme ça ! Comprenez-vous que là, j’avais une crampe, et ici j’avais un spasme… et quelles sont les propriétés des huiles essentielles que vous avez utilisées ? Puis-je en acheter ? “…
-“NON”. J’ai fermé les guillemets. Point final.
“Alors, je voudrais prendre un autre rendez- vous ?”
J’ai ouvert mon agenda et j’ai écrit minutieusement (SIMONE) en lettres carrées, entre deux bonnes parenthèses souriantes et confortables.
Auteur :
Pierre Buron
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