Édition – Avril 2005
Marie-José préfère se faire masser par un homme. Plusieurs femmes se félicitent d’avoir persévéré à trouver le massothérapeute qui leur correspond. Est-ce la quête de l’énergie yang, la main paternelle, le toucher protecteur ou une question d’équilibre ?
Marie-José comprend qu’elle ne veut pas tromper son spleen ou sa fatigue par des soins qui les ramènent au miroir du féminin imposé. “Je n’abandonne plus ma recherche de bien-être, aux marchands de guides sur le bonheur prédigéré ou les potions de l’herberie tout crin” me confie-t-elle. Cécile explique qu’elle ne comble pas une grosse fatigue ou un dérapage par de la psychologie en kit, c’est- à-dire le prêt-à-comprendre pour la femme en panne. Ce n’est pas une affaire de génération, bon nombre de femmes sont intolérantes aux remèdes placébelles (féminin prescrit de placebo) comme aux soins esthétiques superfétatoires. Doit-on percevoir, le comportement féminin qui pousse aux achats compulsifs d’une deuxième peau, comme une voie d’évitement à sa vraie nature ?
Investissement parfait !
Il y a bien des façons de penser à soi. Essayer une nouvelle coiffure, risquer une manucure flamboyante, souffrir l’acupuncture vaudoue ou une épilation intégrale, gloser une chronique astrologique débonnaire…des douceurs éphémères qui parviennent à distraire tout au plus. Il y a aussi, investir dans une machine à marcher, pareille à une prisonnière de ces fictives obligations, sur un plancher qui roule, comme une souris de laboratoire. Il y a l’engagement obstiné au gymnase à la mode, comme si on pouvait s’abonner à la santé ! Pourtant, penser à soi dans le sens de s’investir, c’est se donner du temps et de l’espace pour laisser émaner et considérer ses besoins fondamentaux. Pour écouter ses sens, il faut être calme et reposé.
Ô la fameuse et fragile détente. Oserons-nous appuyer sur cette détente ? Celle qui nous confronte et qui pourtant nous ouvre enfin aux plaisirs d’Être. Le corps ne connaît pas la discrimination, la réelle conscience est d’abord corps, et, par la suite, esprit.
Confiance
S’agit-il de confiance en l’autre ou de confiance en soi ? Pour vivre à l’épreuve de la maladie, il faut d’abord vivre à l’épreuve des superstitions et des fausses convictions. Il faut surtout, Être, à l’épreuve des pièges de la fatigue. Entre autres, le piège de motiver ses activités par la culpabilité et la crainte. Cette crainte qui s’évanouit rapidement quand la main dit : “Tu reçois sans avoir à faire d’effort”. Que le corps réponde : “D’accord j’abandonne”. C’est le langage du massage. Ce dialogue où la femme oriente son écoute vers elle-même. Cette introspection débarrassée de l’obligation de paraître, de bien faire les choses, d’évaluer, de comparer. Ce “Yin” qui entre en relation avec ses propres états d’âme. Vous êtes, sitôt devenue, la meilleure personne à vous indiquer le chemin à suivre, à vous dire la bonne aventure, à vous révéler. Et puis il y a l’énergie “Yang”, celle du donneur, silencieuse, qui saisit et réplique sur toutes les tensions à désamorcer. Massage qui rassure, massage qui épanouit. Puis à chaque étape, une barrière qui disparaît.
Bien sûr, ce n’est qu’une métaphore. La rencontre de deux individualités est comme le contact de deux substances chimiques, si une réaction se produit, les deux sont converties voire renouvelées par un réel courant d’énergie positive. Après son massage, Marie-José récite son mantra: “La détente d’aujourd’hui représente la prospérité de demain. L’arbre est dans ses feuilles, le Yin est dans le Yang et vice-versa.” Que l’on soit homme ou femme, nous souhaitons recevoir une attention et une énergie supplétive, selon sa nature. Cécile a réussi à reprogrammer, il y a quelques années, la signification du mot “recevoir”. Il désignait encore, être une hôtesse consciencieuse, en l’occurrence accomplir pour les autres. Maintenant, recevoir, veut dire penser à soi. Pas comme quelqu’un qui se contente de le déclarer ou d’attaquer des programmes trop ambitieux, mais plutôt, comme quelqu’un qui poursuit une quête agréable d’émancipation du corps à travers une libération des tensions et des émotions. Pourquoi pas un masseur ?
Auteur :
Pierre Buron
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