Édition – novembre 04
Cela prend quelques secondes pour que mes mains passent au mode “délicat”. J’ai rarement massé un corps aussi gracile. Chaque fois que je masse Nadine entre les omoplates, deux traces rouges subsistent, souvent signe de l’affaiblissement des poumons. Nadine me fait la réflexion que ce sont les marques de ses ailes quand elle était une libellule, puis elle éclate de rire. C’est bon de l’entendre rire.
Je me rappelle son premier massage où elle soupçonnait y trouver une réconciliation avec son corps qu’elle considérait toujours accablant et lourd. C’est réconfortant que sa réflexion s’accorde au passé, car maintenant elle est heureuse de se sentir pleine. Pleine d’énergie, de projets…débordante quoi !
Oui, c’était une libellule. La libellule adulte, même lorsqu’elle n’est pas en vol, ne peut plier ses ailes. Elles demeurent rigides toute sa vie. À l’instar d’être un modèle de détente, elle est plutôt un modèle de raideur et de constipation. Et c’est justement quand les problèmes de constipation de Nadine furent résolus, qu’est apparu un bien être, une joie de vivre, puis, son côté espiègle.
l’incontournable voie
Elle me souligne que, dès le premier rendez- vous, elle avait remarqué mon affiche dans ma salle de consultation. Il y est écrit : “ICI, Le corps s’exprime librement. Tout relâchement est recommandé. De taire la raison, de percevoir pleinement vos sens, d’inspirer et d’expirer fort, de trembloter, de frissonner, de gémir, de déborder, de péter, de baver, de pleurer, de fredonner, de rigoler… C’est l’incontournable voie pour l’authentique détente.”
Comme elle est biologiste marin, Nadine me raconte des histoires de hareng qui pète pour communiquer entre eux ou de “mouette qui pète qui annonce la tempête”…ainsi de suite. Une érudite du ballonnement et de la flatulence. Il faut dire que cela a commencé avec son premier pet ammoniac, qui est souvent la dégradation des acides gras volatils, qui m’avait obligé à reprendre mon souffle. Ce gaz ne passe pas inaperçu comme les vents de l’aérophagie, quand on mange trop vite, qu’on sape les aliments ou qu’on mâche de la gomme. Bien qu’on sache que les légumes comme le chou-fleur, oignons, petits pois et autres, contenant des sucres complexes, et les viandes de médiocre qualité, contenant beaucoup de protéines indigestibles, donnent lieu à des réactions de putréfaction intestinale, la même alimentation peut provoquer des effets très différents selon les individus et leurs performances digestives. Dans son cas, il aurait été d’autant plus malhabile de tergiverser sur la question les aliments. D’ailleurs souvent l’origine de cet embarras se situe au niveau des tensions nerveuses et des résistances mentales ainsi que du manque d’exercice.
P-E-T sont les premières lettres de “pétales”
Je remarque l’étonnante accalmie du corps de Nadine lorsque je traite le sacrum et que j’applique les manœuvres qui agissent sur le premier chakra qui régit les glandes surrénales, le rectum et le petit intestin. Ce chakra symbolise la dimension physique, les difficultés de s’intégrer au corps physique, voire le refus de s’intégrer à la réalité physique. C’est aussi, dans le prolongement de la réflexion, comment je réussis à éliminer mes déchets émotifs et psychiques ?
Je poursuis donc, en capitalisant sur la voûte plantaire des deux pieds et le méridien de la vessie. Au fur et à mesure des séances, je remarque que la plupart des points d’énergie invitent des pressions légères, alors que certains autres, comme au-dessus de la crête iliaque, demandent à être pressées fortement et longuement. La constipation, qui semble une affection courante chez les jeunes femmes, est d’autant plus nuisible qu’elle permet aux toxines de se répandre à travers le corps et d’affecter ainsi d’autres organes. On a ainsi, progressivement, éliminé ses effets secondaires. Pour ne mentionner que ceux qui concernent Nadine, il s’agissait de maux de tête, vertiges, insomnie, peau terne, colite, épuisements. Les systèmes fins pouvant enfin s’irriguer, elle s’est délicatement épanouie.
Nadine veut, dorénavant, occuper tout l’espace dans son corps. Elle cultive le calme et la détente, et se ragaillardit par des activités qui stimulent ses sens. Elle ne se laisse plus envahir par ses fantômes. “Je les envoie péter dans les fleurs”, me dit-elle. Ajoutant, “Un pet de libellule doit certainement affecter la couche d’ozone !”
Auteur :
Pierre Buron
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