Édition – juillet 2003
Cela fait la première fois, en deux ans, que sa mâchoire est détendue pendant qu’il reçoit son massage et qu’il n’offre aucune résistance dans les séquences plus fermes. La douleur et l’inconfort ne sont plus ses ennemis, mais des signaux, des messages qui transmettent un état de surmenage ou certaines faiblesses. Il aurait voulu imposer cette détente à son corps dès le premier massage, que sa femme lui avait offert en cadeau, mais la relaxation ne se commande pas, elle se révèle. Robert a la force, maintenant, de décoller de sa télé parce qu’il préfère être à l’écoute de ses besoins et non des besoins fabriqués par les autres. Il se donne du temps.
Avant la séance, Robert croisa Julienne qui venait de recevoir. Je soupçonne qu’il fut stimulé de voir cette femme de 75 ans, alerte et rayonnante. Il ne sait pas que, il y a longtemps, elle s’est battue avec des programmes d’exercices ambitieux pour lui faire perdre du poids, alors qu’il s’agissait d’harmoniser ses propres ressources pour perdre ses “kilodrames”. Julienne est active dans la société. Elle a toujours été portée à explorer les ressources essentielles aux maintiens de sa santé. Et dans la connivence des divertissements et de son bien-être, le massage a gardé sa place, comme un rituel pour mieux jouir de l¹existence. C’est souvent l’objet de ses discussions avec sa mère de 96 ans..
Prendre soin de soi … et des autres
Robert, venant donc de quitter le studio de massage, aperçoit Isabelle qui était la cliente suivante. Décidément, c’est un grand jour d’inspiration, Isabelle est son médecin. Ils avaient, au gré d’une consultation, parlé de l’équilibre entre le corps, les émotions et l’esprit. “Les techniques médicales se spécialisent sans cesse” lui avait-elle dit. “Souvent notre travail consiste à orienter certains patients vers d’autres spécialités, parfois il s’agit de clients qui ne demandent qu’une approche thérapeutique pour mieux se comprendre.” Isabelle était un bon exemple à ses yeux. Elle dégageait cette sérénité, cette harmonie qui démontrait qu’elle mettait en pratique les valeurs en question. Mais, consulter le même massothérapeute était plutôt éloquent pour sa part. Il se rappelait d’ailleurs que les deux praticiens, à leur façon, parlaient de prévention, de respecter ses limites, de se faire une réserve d’énergie pour encaisser les imprévus…
Touchant n’est-ce pas !
Robert m’envoie un courriel me confirmant la date pressentie du prochain rendez-vous. Du même coup, il joint ces réflexions qu’il a décantées pendant les dernières heures : “Je viens de comprendre l’un des titres de ton site web : L’art de se détendre passe par l’art de se comprendre. Je suis toujours étonné de recevoir un massage différent à chaque fois, mais je constate que c’est moi aussi qui se transforme ! En croisant les deux personnes ce matin à ton studio, j’ai constaté que ma relation avec les autres avait changé ces derniers temps. La façon de communiquer va bien au-delà de la parole. Le comportement est un langage et lorsque je suis dans un état de bien- être, mon corps l’exprime, autant qu’il est plus sensible à l’énergie positive des autres. C’est fou ce qu’on peut capter comme messages. Est- ce pour ça que les mots message et massage se ressemblent tant ?!
Et moi de lui répondre : “On pourrait dire aussi que -se tenir en bon état, et, -conversation se définissent par le même mot, ENTRETIEN. Je crois que pour rester « en contact » avec la mouvance de nos pensées et de nos sentiments, le toucher est essentiel, comme il est indispensable au développement et au fonctionnement psychique. La détente par le toucher concerne toujours quelqu’un qui écoute et quelqu’un qui parle.
Le téléphone sonne, je décroche et une voix agitée se fait entendre : Bonjour, je suis Michel, est-ce possible d’avoir un massage aujourd’hui ? Je lui réponds que j’ai une place à quatre heures…tout en me disant qu’une conversation lors d’une séance de massage compte peu de mots, mais c’est le corps qui raconte, il a tellement bonne mémoire. “À quatre heures, j’y serai”, me dit-il nerveusement, c’est Robert qui me recommande !
Auteur :
Pierre Buron
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